Fabian Prewett était ce qu'on pourrait qualifier de privilégié. Dans un contexte ou le sang avait la plus haute importance, il n'était rien de mieux qu'un modeste sang pur aux résultats plus que satisfaisants et à l'avenir tout tracé. Gryffondor l'avait élu pour sa noblesse de cœur et son courage. Sa baguette l'avait choisit pour les mêmes raisons. Il n'avait pas souffert d'un manque d'amour de la part de sa famille, n'avait pas non plus à assumer le poids d'un sang impur quand d'autres familles se déchiraient au point de projeter d’assassiner un à un les membres dissidents de leur dynasties malades et décadentes. Les Perwett avaient l'avantage de faire partie de ces sacro-saintes familles de sang pur qui profitaient à la fois de la sécurité de leur pedigree sans pour autant avoir à s'impliquer et faire preuve d'un avis tranché sur la question du statut de sang qui agitait déjà les débats de l'époque avant la montée au pouvoir fulgurante de celui dont on ne devait prononcer le nom sous aucun prétexte. Ils restaient donc de bon partis qui sans approuver la violence de ces divergences d'opinion jouissaient au moins d'un sentiment de sécurité que leurs amis les plus proches ne pouvaient pas s'offrir le luxe de ressentir eux aussi. Ils n'étaient ni riches , ni pauvres, on ne les rayait pas des arbres généalogiques, ils n'étaient en somme, pas encore ce que certains se plaisaient à appeler des traites à leur sang. Mais la guerre qui devenait chaque jours plus violente, avait mis en exergue l'inexistence de cette neutralité que les autres aimaient tant citer lorsqu'ils refusaient tout simplement de s'engager pour leurs idées et d'aborder les sujets les plus douloureux. Il n'y avait pas de neutralité, seulement l'hypocrisie, la peur des représailles qui suivait logiquement les prises de positions les plus tranchées. La terreur s'installait progressivement, et les gens mourraient chaque jour, échouaient à St Mungo frappés par des maléfices cuisants, l'esprit embrumé par des sorts impardonnables aux effets aussi bien dramatiques que permanents. Fabian Prewett était un privilégié et il l'avait toujours su, mais il n'avait jamais été neutre. La neutralité n'existait que dans l'esprit de ceux assez fous pour nier ce qui se passait pourtant sous leurs yeux. Et tout ça se passait sous ceux de Fabian Prewett qui lui, avait décidé de passer sa vie à sauver celles des autres, pour finir par questionner dangereusement le sens de sa vocation dans cet hôpital qui prenait désormais des allures de mouroir où l'espoir y moisissait un peu plus chaque jour.
Lui était là, aux chevet de ceux qui avaient eu le courage de lutter, comme Gideon qui risquait sa vie chaque jour loin des murs de cette grande bâtisse protégée par mille sorts et par l'argent de ceux qui préféraient payer pour qu'on ne les affilie pas à la barbarie d'attaques sanglantes, faisant de cet endroit un no man's assez pathétique ou mangemorts non assumés et membres de l'ordre partageaient les mêmes chambres et les même lits à seulement quelques jours d'intervalles. Fabian lui attendait. Il attendait de voir arriver Molly ou Gid, Ted, Raed, Tobias, Eileen, et bien d'autres être chers à son cœur conscient qu'il s'agissait là d'une réalité contre laquelle aucun d'eux ne pouvait rien du tout. Il ne supportait plus d'attendre à l'écart des combats au nom d'une vocation déjà brisée. Et brisée, elle l'était à jamais.
Ce soir là, il était là à St Müngo sur son lit d’hôpital, le visage marqué d'une petite cicatrice supplémentaire causée par un maléfice aux effets irréversibles. Fabian ne pouvait pas faire disparaître cette cicatrice, et il ne pouvait pas s'empêcher de se dire que bien pire aurait pu arriver à son autre moitié. C'était une chose à laquelle il pensait très souvent. «
L'ordre encore... » Il murmura pour n'être entendu que de son jumeau. Il affichait une mine à la fois contrariée et triste. Il posa alors sa main sur son bras qu'il pressa affectueusement. Il n'avait aucune idée de ce que serait sa vie, si Gideon mourrait à la suite d'une mission. Les deux étaient comme les deux faces d'une même pièce. «
Une égratignure » répondit-il, mais ce n'était certainement pas à un médicomage qu'il allait faire avaler ça, c'était tout le problème de Fabian il était souvient bien trop conscient des choses «
Rien d’important, Fabian. Une égratignure » Mais Fabian soupira tristement puis afficha alors une expression plus étrange qu'il réservait généralement aux grandes annonces peu plaisantes. «
Je veux en être. Je veux que tu m'emmènes avec toi lorsque tu pars combattre. » Presque instantanément, Gideon se releva affichant une expression mécontente. Il n'appréciait pas l'idée et Fabian savait dans quoi il se lançait en engageant cette conversation. «
Hors de question. On a besoin de gens pour soigner les autres, et tu le sais bien. » Le jeune médicomage lui accorda une minute pour digérer l'information puis repris d'une voix calme. Sa décision était prise depuis des semaines, il y pensait chaque jour. Le voir arriver ainsi n'avait été que l'événement déclencheur de la conversation aussi désagréable soit elle pour son frère. «
Ce n'est pas pour ça que tu ne veux pas que je vienne, et tu le sais très bien aussi Gid... J'ai pris ma décision tu sais, j'écrirais à Dumbledore si il le faut. Il doit bien y avoir quelque chose que je puisse faire pour l'ordre. » Il murmura une fois de plus. «
On faisait partie des meilleurs du club de duel toi et moi. J'aurais pu devenir Auror si je n'avais pas choisi la médicomagie. » Il argumenta en sachant très bien que s'il avait parfaitement raison, Gideon aurait beaucoup de mal à accepter l'idée. «
Je ne remets pas en question tes compétences, et ce dans aucun domaine. Tu es de loin celui de nous deux dont les talents sont les plus prometteurs. Mais c’est insensé de penser que le monde dehors ressemble au Club de duels. »Fabian ne cilla pas cependant, il savait toutes ces choses, mais il espérait que Gideon cesse de le considérer comme une petite chose fragile. «
On prendrait trop de risque à le faire ensemble. Trop d’inquiétudes et de distractions. Tu es un excellent médicomage, et crois-moi, nous allons en manquer d’ici très peu de temps. » Fabian soupira. «
Je n'aime plus ça tu sais. Regarder les gens mourir ici, t'attendre en me demandant dans quel état tu vas revenir ou si tu vas revenir ça n'a rien à voir avec mon rêve. Si j'étais avec toi ce serait différent, je ne serais pas distrait ou inquiet comme je le suis maintenant.» Et parfois ça l'empêchait tout bonnement de travailler. «
On a réussi à les arrêter assez facilement la dernière fois qu'ils ont tenté de s'en prendre à Molly. Toi et moi ensemble... Et ils étaient plus de 4. » Le jeune homme tentait de recourir à des arguments solides, mais il savait que le débat était plus affectif que Gid ne voulait le laisser paraître. «
J'ai pris ma décision, si tu ne veux pas que je t'accompagne, j'irais prêter main forte à d'autres membres de l'ordre, tu sais mieux que personne que c'est important de se battre en ce moment. Je veux le faire, avec toi. » «
Entendu, » avait t-il seulement répondu. «
Tu dois faire attention Fab, je ne peux pas te perdre. »
Le plus jeune hocha la tête mais c'était bien plus complexe que ça en réalité. Fabian ne se faisait aucune illusion sur l'issue de cette guerre. A moins d'un miracle, les choses n'iraient pas en s'arrangeant. Le peu de personnes qui résistaient encore allaient mourir c'était une évidence, il n'était pas seulement question de se battre pour ses idées, mais tristement de s'offrir le luxe de pouvoir au moins choisir comment mourir. Si cela devait arriver il voulait que ce soit aux cotés de Gideon à se battre pour ce qui leur semblait juste à tous les deux. C'était ce que ferait un Gryffondor, c'était ce que devait faire un Prewett. «
Tu ne me perdras pas. »
***
Fabian se rappelait les mots de son frère avec ironie. [i]Ce n'était pas le club de duel.[i] Pour sur il avait eu tout à fait raison à l'époque. Deux ans qu'il avait passé à combattre aux côtés de l'ordre, deux ans qu'il avait également assisté aux attaques constantes et incessantes de ceux qui voulaient imposer la terreur, diviser. Les choses ne s'amélioraient pas, et Fabian se consolait en se disant qu'ils étaient au moins toujours en vie, ce qui devait probablement relever du miracle vu leur implication dans cette organisation rebelle zélée. Perdu dans ses pensées depuis le début de la soirée, il soupira et termina par se lancer dans les questions existentielles. «
Tu crois que ça va s'arrêter un jour ? Tu crois qu'on peut gagner cette guerre ? » « Patience Fab » Plus facile à dire qu'à faire. «
Bien sûr qu'on gagnera. Il le faut. Mais ça ne peut pas être facile pour autant ». Fabian trouvait son frère bien optimiste. Les rôles étaient quasiment inversés pour une fois. «
J'ai l'impression que que le ministère va finir par tomber. Bellatrix a attaqué Ted Tonks et sa fille, en pleine journée. Peut être qu'on ne gagnera tout simplement pas parce qu'on ne se bat pas vraiment à armes égales. Ca pourrait être n'importe qui, Molly, toi..Eileen. On est tous des traîtres. » Parfois Fabian se laissait aller au découragement. Peut être que les longues soirées à St Mungo y étaient pour quelque chose. Voir tous ces gens blessés atterrir sur un lit d’hôpital pour une question de pureté du sang, c'était insoutenable et profondément ahurissant. «
On est tous des traîtres, oui, et le danger est permanent. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne va pas gagner. L’optimisme c’est la seule chose qu’il nous reste. Ce qui nous empêche d’abandonner. Alors ne compte pas sur moi pour te dire qu’on est foutus. ». Fabian haussa une épaule. «
Comment veux tu gagner ? Ils peuvent attaquer n'importe quand, prétendre avoir été ensorcelés, mentir sur les motivations... Le pire dans tout ça, c'est que j'ai probablement déjà soigné certains d'entre eux. » Fabian le savait. Les mangemorts qui possédaient la marque et qui étaient connus de tous n'étaient pas ceux dont il se méfiait le plus. Beaucoup d'entre eux étaient infiltrés partout, donnaient des renseignements capitaux aux autres mangemorts et prétendaient être de leur côté. «
Fab… L’espoir, l’optimisme. C’est notre seul avantage. La situation est désespérée, vue de l’extérieur, mais on se bat pour ce qui est juste est bon et j’aime croire que le bon finit toujours par l’emporter. Et qui sait, peut être qu’on ne sera même pas là pour le voir. Mais abandonner aujourd’hui, c’est comme décider de se suicider. On ne peut pas faire ça. » Fabian secoua la tête heurté par les propos de son frère et le poussa un peu. «
Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je n'ai aucune intention d'abandonner ! Ce que je cherche, c'est une solution miracle. Et il n'y a pas vraiment de potion pour ça, je le saurais. » Il haussa les épaules et jeta un regard à l'état lamentable de l'appartement. «
ça fait un moment qu'Eileen n'est pas venue prendre de nos nouvelles. » Il nota pour changer totalement de sujet. La blonde avait l'habitude d'assainir les lieux avant de décapsuler la moindre bière. A croire que sans elle, l'appartement était destiné à rester aussi bordélique d'un studio d'étudiant moldu.